top of page
Rechercher
  • Jocelyne Calas

Le Piaf


Vénéré dans l’antiquité, le Moineau domestique abondait encore aux 18 et 19 ème siècles. C’est dans les années 70 que ses populations ont commencé à fortement décliner, jusqu’à ces dernières années où la situation s’apparente à une véritable hécatombe.


Parler d’hécatombe est loin d’être abusif, ce sont trois moineaux sur quatre qui ont disparu de Paris entre 2003 et 2016, dont plus de 73 % de ceux qui nichaient intra-muros.


Moins 50% à Hambourg, 60% à Prague, plus de 90% en Grande-Bretagne où il est menacé d’extinction. Déjà en 2015 la Suisse notait une baisse de 40 %, puis la Belgique, l’Italie, la Finlande, etc.


Le "Piaf" est l’espèce la plus inféodée à l’homme, c’est là qu’est sa perte car son déclin est directement lié à son environnement ... C'est-à-dire le nôtre !


Comme un canari dans une mine de charbon


Selon Alizée Meillère, scientifique au Centre d'études Biologiques de Chizé : « Les vertébrés sauvages partagent de manière générale la même physiologie que les hommes. »


A ce titre, le moineau domestique peut être considéré comme une sentinelle écologique, un « canari dans la mine de charbon ». Sa présence ou sa raréfaction est une sorte de baromètre de la santé de l’écosystème urbain … Un indicatif pour lui et de nombreuses autres espèces, dont l’humain.



Une multitude de paramètres qui font boule de neige



Pénurie alimentaire : l’adulte est majoritairement granivore, le moineau se nourrit essentiellement de bourgeons, du nectar de certaines fleurs, de graines de plantes sauvages (ex : poacées, chénopodes, renouée des oiseaux, mouron des oiseaux.), de céréales, de baies et aussi d’insectes. Quant aux oisillons ils en sont totalement dépendants d’une alimentation insectivore.


La diminution du nombre d'espaces verts diversifiés dans les agglomérations, la disparition des friches dans les grandes cités et les zones industrielles réduisent comme peau de chagrin leurs ressources alimentaires. En 30 ans les friches ont diminué de moitié à Paris et la province n’est pas en reste.



Malbouffe : il est contraint de se rabattre sur nos déchets alimentaires, qui cela va sans dire sont totalement inadaptés à son métabolisme.

Beaucoup de jeunes qui périssent en juillet-août ont reçu une alimentation fournie par l’homme, essentiellement composée de graines, de pain, pâtisseries, etc.

Parmi ceux qui survivent, l’on constate un fort taux d’inanition des juvéniles encore au nid.


Le moineau domestique ne parvient tout simplement plus à élever suffisamment de jeunes susceptibles de devenir adultes pour renouveler les populations et entretenir un bon patrimoine génétique.

Disparition des sites de nidification : cavernicole, il s’installe en colonie sous les rebords de toits, dans des trous de murs et autres cavités disponibles.


Les constructions modernes et les méthodes de rénovation réduisent ses possibilités de nidification. Près de 85% de moineaux ont disparu du Nord-est parisien. « Nos maisons sont devenues des bunkers du point de vue des moineaux » précise Frédéric Mahler, vice-président du CORIF.

L’on a observé à Paris et à Berlin que les colonies restantes se trouvent surtout dans les quartiers défavorisés et qu’elles sont quasiment absentes des « beaux quartiers ».


Pourquoi ? Ces derniers ont davantage de surfaces goudronnées et bétonnées (parkings urbains, allées privées), l’utilisation de végétaux d’ornement et de plantes exotiques y est plus courante, les tontes et les tailles sont plus drastiques. Je vous laisse faire la conclusion.



Pollutions :

  • Plus le taux d’azote généré par le trafic routier est élevé et plus les juvéniles ont une insuffisance de masse corporelle. Affaiblis ils ont dès le départ beaucoup moins de chances de survie et d’aptitudes à faire face au réchauffement climatique.

  • Notons aussi les nuisances sonores, les ondes électromagnétiques (portable, wifi, etc.), la pollution lumineuse et le salage hivernal.


Concurrence et prédateurs : essentiellement les pigeons, les éperviers, les faucons crécerelles et bien entendu les chats.




Au secours du Moineau domestique



Nous connaissons les causes, les solutions sont simples mais requièrent de la bonne volonté de notre part et de celle de nos élus.


Nous savons également grâce à des études génétiques que le Piaf est attaché à sa colonie et ne s’éloigne guère de plus de 2km de son lieu de naissance. Il est donc faux de dire qu’il ira s’installer ailleurs, ce n’est qu’une pâle excuse histoire de ne rien faire !


L’éthique est primordiale :
  • Proscrire tous les produits phyto.

  • Favoriser largement les végétaux indigènes et donc limiter, voire oublier les plantes exotiques et les hybrides.

  • Attirer les insectes auxiliaires et les laisser faire leur travail.

  • Créer des micro milieux et renforcer les biotopes par l’association des végétaux.

  • Assurer l’entretien des espaces verts en respectant le rythme biologique de l’oiseau et de la flore.



Voici ce qui lui serait bénéfique :



Implantations et végétaux :
  • Privilégier les arbres et arbustes au feuillage caduc, les haies persistantes et le lierre grimpant.

  • Investir dans les baies comme, le camerisier (chèvrefeuille arbustif), le sureau noir, le merisier, l’incontournable houx, l’églantier ou encore la ronce qui battent tous les records d’attraction. (note : les baies de troène sont dépréciées des oiseaux et ne seront consommées qu’en cas de force majeure).


  • Développer des prairies et des friches permanentes.

  • Implanter des nectarifères qui leur fourniront du nectar et attireront les insectes indispensables en période de nidification.

  • Installer des couvre sol et des platebandes : les moineaux aiment entre autre la stellaire, la pâquerette sauvage, la bourse à pasteur et les trèfles. Favoriser les capucines car en plus d’être nectarifères elles centralisent les pucerons tout en les éloignant des autres plantes.

  • Préserver des espaces d’adventices dont le pissenlit et l’ortie.

  • Planter du lierre pour ses baies, les insectes qu’il attire comme refuge ou site de nidification.

  • Agencer des massifs et des haies vives et diversifiées (abris, baies et réserve d’insectes).

  • Pourvoir en eau fraiche.


Gestion et entretien :
  • Espacer les tontes en été et prévoir des espaces de hautes herbes propices aux diptères et à leurs asticots.

  • Conserver des espaces de céréales et d’herbacées en graines tout l’hiver. Donc ne plus faucher en totalité les prairies fleuries à la fin de l’été.

  • Ne pas tailler les arbustes à baies après la fleuraison.

  • Opter pour les paillages organiques.

  • Entasser des feuilles mortes sous les haies et dans un coin du jardin.

  • Faire tant que possible des composts à ciel ouvert.



Installations :
  • Végétaliser les murs.

  • Construire des murs de pierres sèches avec des cavités pour la nidification.

  • Prévoir également des cavités lors de construction ou de rénovation des bâtis.

  • Installer des groupes de nichoirs spécifiques pour moineaux.


De la cohérence :

Installer des nichoirs sans pourvoir à leur autonomie alimentaire en végétalisant en conséquence n'est qu'un coup de bâton dans l'eau.


Municipalités, créez des zones piétonnes autour des parcs et jardins publics. Sensibilisez et informez votre population des conséquences de la mal bouffe sur la faune sauvage.


Il était une fois, un vieux lierre


Il était une fois, un vieux lierre sur un pilonne électrique dans une petite commune dite de « caractère ».


Ce lierre abritait une colonie de moineaux domestiques, il leur offrait le gite et les gratifiant de ses baies hivernales. Mais un jour le 20 février 2019, donc peu de temps avant le début de la période de nidification des oiseaux (mars, avril), des hommes sont venus le couper.


Son agonie fut lente, les oiseaux se sont vu peu à peu privés de sa protection contre les intempéries, la froidure hivernale et la canicule.


Les moineaux, une trentaine d’individus, restèrent malgré tout fidèles, car voyez-vous ce sont des animaux sociaux qui ne s’éloignent guère de plus de deux kilomètres de leur site natif.


Il leur aurait fallu trouver refuge dans ce périmètre, ce qui était impossible … Je les ai vu s’installer dans les haies du voisinage, puis s’enfuir et retourner à leur lierre lors de la taille de printemps … Ce manège a duré au fil des saisons et des tailles.


Le nombre des oiseaux a diminué jusqu’à devenir une poignée, toujours accrochée au peu qu'il reste de leur lierre.



Le pire de cette histoire est que lors d’une première tentative de coupe, la municipalité avait été informée sur l’importance de ce lierre … Voyez la situation aujourd’hui pour ceux qui ont survécu alors qu’une bonne taille dans la hauteur aurait solutionné le problème.


Ironie, l’on peut lire sur le panneau « Jean-Baptiste Gautier – Victime civile ».




Ne faisons pas du Piaf un nostalgique souvenir.


Chacun de nous est en mesure d’agir concrètement car le plus petit rebord de fenêtre peut aussi devenir un acteur de la biodiversité.


Tout ce que nous ferons pour sa sauvegarde sera tout aussi bénéfique à l’ensemble de la petite faune, également à nous-mêmes par l’amélioration du cadre de vie de nos cités. Ceux et celles qui savent encore s’émerveiller et émouvoir de la magie du vivant connaissent le bonheur que procure sa joyeuse présence



Le Piaf a bercé ma petite enfance. Il a suscité en moi une ribambelle d’émerveillements et de questionnements. Sans lui je n’aurai peut-être pas cet amour de la nature. Aussi je souhaite de tout mon cœur que bien d’autres aient encore longtemps cette chance, c’est pourquoi je ne puis le laisser disparaître les bras croisés sans avoir donné le meilleur de moi-même.


bottom of page