- Jocelyne Calas
Business du bois & réchauffement climatique.

Le 9 novembre la commission européenne a présenté un projet de loi afin de limiter notre impact sur la déforestation mondiale.
« Interdire toute mise sur le marché européen de biens issus de la déforestation ou de la destruction de milieux naturels dans les régions tropicales ». Outre le bois, cela inclut le cacao, le café, le soja et leurs dérivés comme les meubles en bois.
Rappelons que l’Union européenne arrive en deuxième position des régions du monde qui profitent de la déforestation (16% en 2017, soit 203.000 hectares et 116 millions de tonnes de CO2). Ceci est donc une excellente chose si le parlement valide ce projet, ce qui pourrait prendre un « certain temps ».
Maintenant voyons ce qu’il en est de l’exportation de bois au sein de l’Europe, en France par exemple ?
Hormis l’abattage des haies et des petits bois qui disparaissent chaque année, les exportations de chêne français ont été multipliées par dix en l’espace de 10 ans.
Nous subissons une véritable razzia d’acheteurs étrangers. 230 000 m³ de forêt exportée en 5 mois (Douane française), soit 300 000 tonnes de CO2 déstocké du puits de carbone (France culture) … Ceci à l’heure du réchauffement climatique !

Pour comparaison, l’export annuel de chêne était de 30.000 mètres cubes de grumes (troncs bruts) en 2008.
Tandis qu’en Chine l'abattage des forêts est désormais interdit durant les 99 prochaines années et qu’elle se reboise après avoir coupé à tout va de 1950 à 1970 ... la France est devenue sa principale source d’approvisionnement en chêne depuis 2020.
Quant à la Russie, elle a bloqué ses exportations de grumes et de sciage vers l'Asie.
En mai 2021, la Chine a investi + 42 % de chêne et 66% de résineux par rapport à l’année précédente.
Actuellement, un chêne sur trois part en Chine.
Pour la forêt privée cela représente 60 % des chênes bruts acheminés en Asie. (JO Sénat du 01/07/2021 - page 4038)
Le comble de l’histoire est qu'une partie de ce bois nous revient !
Les entreprises chinoises importent le produit brut, le transforment chez eux en planches et en meubles, puis le réexportent vers l'Europe … Sans rire !
Pendant ce temps, la France souffre d’une pénurie de bois et l’effondrement de la biodiversité s’accélère !
Quant à l’impact carbone
Les arbres nous offrent le plus grand potentiel d’absorption des émissions de CO2. Ceci tout en améliorant la qualité de l'air, de l'eau et en fixant les sols contre l’érosion … Nous sommes tous informés.
Selon de nombreuses études, les trois meilleures mesures pour accroître le nombre et la taille des arbres sont : 1° la reforestation, 2° éviter le déboisement, 3° une meilleure gestion forestière … Nous sommes bien loin du compte !
Ce qui me choque le plus dans cette histoire, c'est que la majorité du chêne exporté est issue de forêts privées.
·75% de la forêt française appartient à des propriétaires privés.
Précisons que les chinois achètent 20 à 25% plus cher que les scieries françaises.
Le business demeure la « valeur » première et nos gouvernements font la sourde oreille !
La communauté scientifique ne cesse de nous avertir sur les désastres environnementaux, dont celui-ci.
Tandis qu’un Français émet en moyenne 8,7 tonnes de CO2 par an (Consoglobe) ou qu’une voiture essence de petite cylindrée qui parcoure 7 000 kilomètres en génère une tonne (Le figaro), 1km de haie arborée ou 1 hectare boisé nous assure un stockage de 550 à 900 T de carbone sur 100 ans.
Alors plantons des arbres, créons des haies tant que nous le pouvons.
Faisons le bien, dans le respect de la nature avec des essences locales, tout en créant de la diversité par l’association d’essences compagnes afin de renforcer la résilience des milieux.

Et si vous avez la chance d’avoir un ou plusieurs arbres biotopes dans votre parc ou votre jardin ; prenez en grand soin car en plus d’être magnifiques, ces géants sont de véritables trésors pour notre devenir.
L’Avenir se sème Aujourd’hui.
Un chêne fructifie à partir de sa maturité sexuelle. Dans un milieu boisé, il commencera à donner des glands vers 50 ans.
Plus un arbre vieilli et plus il grandit en valeur écologique. Il offre de plus en plus de niches aux espèces spécialisées qu’il s’agisse de végétaux, d’insectes ou d’animaux qui lui sont inféodés. L’on parle d’arbres biotopes.
La condamnation de la France par le Conseil d’état pour inaction climatique pourra-t’elle y changer quelque chose ?
Nous savons depuis longtemps que nos décideurs n’ont pas la fibre environnementale et que la biodiversité est le cadet de leurs soucis. Alors si les propriétaires terriens n’ont pas un rebond de conscience où va-t-on ?
J’en profite pour rappeler que les jardins privés et communaux ont un rôle majeur à jouer en végétalisant avec des essences natives, c’est-à-dire indigènes.
Puis à tous ceux qui n’ont pas de jardin et se sentent impuissants, rappelez-vous votre immense pouvoir d’action en tant que consommateur. Un produit sans acheteur étant voué à disparaître, vous disposez d’un moyen bien plus puissant que le vote dans une urne.

A quand une loi Européenne qui limitera la déforestation sur son territoire et la fuite de son bois à l'export ?
Article rédigé par Jocelyne Calas, conceptrice d'espaces verts
& conseillère en biodiversité.
